Passagers du Vent : Quand la fiction flirte avec l’histoire

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De la rencontre de la fiction et de l’histoire, Jean-Jacques de Saint-Antoine fait surgir des récits d’un peuplement

Jean-Jacques de Saint-Antoine n’est pas un inconnu du domaine de l’écrit à Maurice puisqu’il a déjà publié quelques récits personnels. Avec « Passagers du Vent », toutefois, il s’essaie au roman. Avec une démarche bien singulière car, il use de l’histoire du peuplement de son île natale pour en faire la trame sur laquelle il brode des personnages engagés dans des aventures rocambolesques aux côtés de véritables personnalités de l’histoire réelle.

L’initiative est singulière car, la démarche, fantaisiste certes, ne tombe aucunement dans la facétie. Elle nous renseigne sur la vision inclusive de l’auteur, où les vents contribuent à cette migration qui, comme en tous temps et sous toutes les latitudes, détermine la destinée des hommes et des femmes. Pour ceux-là, cette terre devient un point d’ancrage… le temps de faire relâche ou de s’y installer durablement.

Jean-Jacques de Saint-Antoine ne cherche pas à taquiner la prose pour en faire un objet essentiellement esthétique au niveau de la forme. Ce n’est pas son propos. Il est un narrateur fabuleux, doté d’une imagination lui permettant de faire surgir des personnages capables d’éclairer sous un jour nouveau des parts d’histoires que les Mauriciens sont portés à figer surtout quand il s’agit de mythes de valorisation identitaires. Il parvient assez adroitement à déjouer les pièges des multiples revendications symboliques pour faire exister ses personnages dans des récits qui ne s’encombrent pas de ces corrections politiques et du wokisme qui condamnent désormais la culture contemporaine à l’anaérobie.

L’auteur de « Passagers du Vent » pousse l’audace jusqu’à faire exister une femme pour espionner le mouvement des négriers, à la requête de Farquhar dont on sait qu’il fut accablé par des allégations au sujet de sa participation à la traite. Plus loin, il fait surgir un banquier aventurier qui s’engage dans la filature d’un client indélicat dans les « affaires Orsini et Ambrosiano » et qui finit par s’engager dans la recherche du trésor de Robert Surcouf qui avait confié des indices à son ancêtre. Des intrigues imaginaires aux mises en scène des pourparlers qui ont eu lieu avec les autorités britanniques, le véridique sert la fiction et inversement dans un récit serein, empreint de bonhommie. Jean-Jacques de Saint-Antoine nous livre des histoires de couples qui se font autant dans l’endogamie de l’époque que dans les premières mixités. D’autant que le narratif est sans jugement, les personnages de ces nombreux récits deviennent fort attachants.

D’autres ambitions, venant cohabiter aux côtés de celles des premiers arrivants, apportent leur lot de contrastes à ces fictions qui, à chaque fois, apportent à l’histoire véritable cette part d’humanité faite de paradoxes et même de contradictions. On s’aperçoit au cours de ces quelques 500 pages que la trame sur laquelle s’exerce Jean-Jacques de Saint-Antoine est nattée de manière savante. L’abondante bibliographie en fin d’ouvrage nous fait réaliser que ce narrateur ne se fie pas à sa seule perception de l’histoire de son pays. On comprend mieux alors qu’il ait pu se prémunir des écueils de la trivialité pour nous convier à ce premier tome d’une trilogie annoncée. Vivement le deuxième.

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